"La Tunisie s’offre une Constitution progressiste"
La Tunisie s’offre un gouvernement et une nouvelle
Constitution, la plus progressiste du monde arabe. Le pays peut espérer sortir
de la crise.
Une
«étape historique». Une «victoire contre la dictature». La nouvelle
Constitution tunisienne, adoptée à une écrasante majorité (200 pour, 12 contre
et 4 abstentions) dans la nuit de dimanche à lundi, est saluée dans l’euphorie
comme une avancée majeure pour tourner la page des années Ben Ali.
Trois ans après la «révolution du
jasmin», les députés sont parvenus à transcender les clivages politiques et
confessionnels. Tous, opposition et islamistes «modérés», s’y retrouvent. Ils
célèbrent l’«unité du peuple tunisien», estimant que le texte ne consacre pas
une vision au détriment d’une autre. «Avec cette constitution, la
Tunisie démontre qu’il existe une autre voix entre la dictature et le chaos.
C’est la liberté!», exulte Mehrezia Laabidi, la vice-présidente de
l’Assemblée, membre du parti islamiste Ennahdha.
Il aura
fallu deux ans de débats houleux, des heures de discussions et trois semaines
de séances plénières pour que l’Assemblée nationale constituante adopte la
nouvelle Constitution et annonce la composition d’un gouvernement
d’indépendants devant conduire la Tunisie vers des élections législatives et
présidentielle en 2014. Tout aurait dû être bouclé pour octobre 2012. Mais de
profonds désaccords entre majorité islamiste et opposition ainsi que deux
assassinats politiques (l’opposant Chokri Belaid le 6 février 2013, le député
Mohamed Brahmi le 25 juillet) et de nombreux mouvements sociaux à travers le
pays ont retardé les travaux.
Berceau du Printemps arabe, la
Tunisie peut désormais s’enorgueillir d’une Constitution audacieuse, la plus
progressiste du monde arabe. «Un modèle pour les autres
peuples aspirant à des réformes», estime Ban Ki-moon.
Égalité, parité, liberté de croyance
Savant
équilibre entre l’identité arabo-musulmane de la Tunisie et son aspiration à la
démocratie, le texte assure la liberté de conscience et de croyance aux
citoyens, garantit la liberté d’expression et d’opinion, l’égalité des citoyens
et des citoyennes en droit, le principe de la parité homme-femme dans les
assemblées élues, la prohibition de la torture physique et morale, ou encore l’impossibilité
pour le législateur de réviser les dispositions constitutionnelles en matière
des droits de l’homme.Contrairement
aux souhaits islamistes d’Ennahda, majoritaires à l’Assemblée, l’islam n’est
donc pas consacré religion d’État et la charia ne s’appliquera pas.
Le processus de transition
démocratique est remis sur les rails. Le compromis âprement discuté doit
permettre d’éviter toute dérive autoritaire après 50 ans de dictature sous
Bourguiba et Ben Ali. Il reste à concrétiser ces avancées inédites dans le
monde arabe, ce qui ne se fera pas du jour au lendemain. L’économie est
exsangue et provoque encore aujourd’hui la colère populaire, tout comme à la
veille de la révolution. «Avec la naissance de ce texte,
on entérine notre victoire contre la dictature», se réjouit le
président Moncef Marzouki. Mais il avertit: «le chemin est encore long. Il
reste un grand travail à faire pour que les valeurs de notre Constitution
fassent partie de notre culture».
Source: L'avenir du 28-01-14