Louise Michel, une révoltée qui avait mal aux autres


Louise Michel (1830-1905) est trop souvent réduite à la Commune de Paris (mars-mai 1871) dont elle fut l’une des principales actrices. Or cet épisode n’est qu’un moment dans une existence entièrement vouée aux autres. Dans son «roman vrai», Henri Gougaud donne ainsi vie à cette fille de servante au père incertain, adolescente révoltée élevée par un grand-père athée et voltairien. Devenue institutrice par idéal, amie de Victor Hugo, ce «frère mystique» avec qui elle correspondait depuis ses 15 ans, elle restera jusqu’au bout fidèle à ses idéaux de jeunesse, sans avoir jamais fait la moindre concession.
«J’ai une certaine attirance pour elle, même si elle est quand même un peu folle, confie l’auteur qui, lorsqu’il était étudiant, faisait partie d’un groupe anarchiste qui portait son nom. J’ai voulu comprendre ce qui habite cette femme qui a mal aux autres, qui souffre davantage de la souffrance des autres que des siennes. Est-ce de la bonté? Je crois plutôt que c’est une disposition psychologique. Elle donne sa vie pour les autres, pour les pauvres, pour la justice. Contrairement au commun des mortels qui s’indigne puis passe à autre chose, elle, elle va jusqu’au bout. Au point, parfois, de pourrir la vie de ses proches.»
Le point de départ de sa révolte est le livre de Lamennais, Paroles d’un croyant,qui, en 1830, secoue tous les milieux intellectuels européens. À 8-9 ans, elle«inonde de ses larmes», comme elle l’écrit elle-même, cet ouvrage dont l’auteur, pour qui le Christ est le premier révolutionnaire, est excommunié. Elle vit alors une période mystique, pense prendre le voile avant de basculer dans une «sainteté violente», selon l’expression d’Henri Gougaud. Elle est animée par un sens aigu de la justice qui lui restera toujours chevillé au corps. Lorsque sa mère est arrêtée, elle va prendre de place. Et quand le communard Ferré, dont elle est amoureuse, est condamné à mort, elle réclame d’être exécutée avec lui. Elle fait ensuite de son procès une tribune, accusant les gouvernants de crimes contre l’humanité. Ce qui conduit Hugo à lui dédier le poème Viro major.
Elle devient anarchiste dans le bateau qui la mène en Nouvelle Calédonie qui n’est pas un bagne, comme Cayenne, mais un lieu de déportation où l’on vit en semi-liberté. Tout comme en prison elle a tenté d’apprendre à lire et à écrire aux autres prisonnières, elle est la seule à s’intéresser aux Canaques. Au point de vouloir ouvrir une école dans une tribu, elle qui, à Mont martre, avait créé la première école où les filles recevaient la même éducation que les garçons. «Elle a une foi totale en l’enseignement, rappelle sa biographie. Elle est convaincue que, si l’on veut bâtir une société plus humaine, plus juste, il importe que le peuple soit éduqué.»
Henri Gougaud, «Le roman de Louise», Albin Michel, 249 p., 19€

Source: L'avenir du 03/07/2014


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