Pendant deux ans, les fonctionnaires de la Région wallonne et de la Communauté française qui partiront à la pension ne seront remplacés que très partiellement: un départ sur cinq seulement sera compensé. Ou plutôt deux départs sur cinq. Et les organismes d’intérêt public sont soumis eux aussi à un régime spécial pour contribuer à l’effort budgétaire: leur dotation va diminuer de 10% (60 millions d’économies en 3 ans).
Nous avons posé directement la question - les questions – aux trois principaux syndicats du service public wallon: comment se passe la concertation? A-t-elle seulement commencé? Quel sera l’impact de ces mesures? Le calme actuel n’est-il qu’apparent?
«Les ministres ont présenté les mesures en comité de négociation en septembre », commence Patrick Lebrun, secrétaire fédéral de la CGSP-AMiO (FGTB).
«Vaille que vaille, on essaie d’amortir », ajoute-t-il.
Comment? Les syndicats ont joué sur la notion de «service continu», c’est-à-dire les services dont on ne peut pas se passer, qui ne seront pas touchés par la mesure de non-remplacement. «À la Région wallonne, par exemple, ce sont les voies d’eau, les écluses, les aéroports, les services d’hiver sur les routes, certains services de la DNF, etc. À la Communauté, c’est toute l’aide à la jeunesse, par exemple. Ça n’amortit pas tout le système mais dans ces services, le remplacement sera intégral. Et pour les autres services, on revient à deux remplacements pour trois départs dès 2017», tempère Patrick Lebrun.
Quant aux OIP (Forem, TEC, etc.), une négociation se tenait justement vendredi: «il ne sera pas question de licenciements secs », annonce le syndicaliste.
Rassurés? «On suit ça de très près!» On réserve les calicots pour le fédéral? Faut voir… La CGSP reconnaît que l’inquiétude est bien présente sur le terrain. «On n’est pas à l’abri de mouvements qui démarreraient soudain», glisse-t-il. «Parce qu’on se serre la ceinture. On le sent depuis quelques années. L’année dernière, déjà, il n’y avait plus assez d’argent pour payer des frais d’inspecteurs. Et comme toujours la fonction publique est mise à contribution la première », fait-il remarquer.
« Il y a d’autres économies à faire en terme de rationalisation et de bonne gestion! À force de faire des économies dans les services, il faut parfois sous-traiter en externe au prix fort, juste pour ne pas engager de personnel. Aberrant… On sera très attentif à tout ça: qu’il n’y ait pas de services qui se vident complètement, que les services continus soient bien mis en place… Mais les deux années qui viennent seront difficiles.»
CSC: «L’autorité n’a aucune transparence»
Le service continu échappe à la mesure de non-remplacement des fonctionnaires. «Alors, ça a été notre priorité: étendre au maximum le service continu, intégrer le plus de fonctions possibles dans la zone immunisée», raconte Christine Bouché, secrétaire permanente à la CSC Services publics.
« Malgré les réticences de certains directeurs généraux… » ajoute-t-elle.
L’autre priorité a été d’en savoir plus. Parce que, manifestement, tout reste flou pour les syndicats. « On n’est pas encore en révolution parce que l’autorité n’a aucune transparence », dénonce-t-elle.
Comme au fédéral?
Rien que pour définir la proportion des services continus sur l’ensemble de la fonction publique… On parle de 20% à la Région wallonne, de 50% à la Communauté… « En fait, c’est très variable d’une direction générale à l’autre. C’est très flou et, dans les OIP, on ne discute pas de services continus, de plans de personnel, d’organigrammes. On n’a aucune perspective. On sait qu’il y a les transferts de compétences à assurer. S’il y a moins de personnel et en plus pas tout le budget, on va faire comment? Même certaines formations sont empêchées », observe la permanente CSC.
Un peu comme au fédéral, alors? «Oui», réagit illico Christine Bouché. Du coup, la manif en front commun du 6 novembre visera aussi les mesures d’économies à la Région? « Oui. Idem pour la grève générale du 15 décembre: on s’associe à l’ensemble des dispositions prises. Parce qu’il y aura des retombées au-delà de la fonction publique fédérale», résume-t-elle.
«Ils ne seront ministres de rien»
Avant de revenir au terrain wallon: «Ne pas remplacer des pensionnés, ce n’est pas favoriser l’emploi des jeunes. Et si la fonction publique est réduite à un cinquième de ce qu’elle est, au final, ils ne seront ministres de rien du tout et leur bilan sera bien maigre. Ils se coupent l’herbe sous le pied et les hauts fonctionnaires qu’ils ont mis en place aussi», s’énerve la syndicaliste.
Et puis, comment ramener les recettes attendues dans le budget si l’administration fiscale, le contentieux, ne disposent plus d’assez de personnel? Et la qualité du service? «Ça, ils ne l’ont pas mesuré non plus… Et au total, on manque d’infos concrètes. Aucune mesure réglementaire ne les oblige à une transparence budgétaire. Bon, nous ne sommes pas naïfs: on sait qu’il faut faire des économies. Mais pas n’importe quoi n’importe comment », dit-elle. « À côté de ça, on recrute des experts qui ont des profils barémiques en dehors des clous du service public. C’est assez schizophrène… »
SLFP: «Il va falloir rééquilibrer les services»
Au SLFP, syndicat libéral, a-t-on le doigt sur la gâchette? À la Région et à la Communauté, le MR est dans l’opposition.
Olivier Deben, le président «secteur XVI» (administration wallonne) au SLFP, reste plutôt courtois. « On a d’abord appris le non-remplacement de quatre fonctionnaires sur cinq, et puis on est passé à trois sur cinq via le service continu qui ne sera pas concerné. Il y a eu concertation à ce sujet et ça s’est fait de manière correcte», souligne-t-il.
Courtois mais vigilant. Ce qui l’inquiète en priorité, c’est le risque de déséquilibre au sein des services. « Au-delà des services continus où les personnes sont protégées de cette mesure, pour les autres, on demande un rééquilibrage pour éviter un surcroît de travail. Parce qu’il y aura des impacts sur les services. Il faut revoir les missions, donner des moyens pour assurer la charge de travail», résume-t-il.
Or, les services qui seront touchés n’ont pas encore été identifiés. «On ne sait pas où les emplois vont disparaître. Le gouvernement ne les a pas encore identifiés. Quand ce sera fait, les ministres reviendront vers nous », ajoute-t-il.
Pas de descente dans la rue? Pas de nervosité excessive? Il sourit. «C’est vrai qu’on pointe du doigt le fédéral qui ne remplace pas quatre emplois sur cinq. C’est la même chose. Mais la base s’inquiète et se demande quoi…»
«On risque l’effet inverse»
Plusieurs centaines de fonctionnaires concernés et uniquement sur base de départs à la pension… On n’est pas plus précis.
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